A l’occasion des opérations de dragage effectuées en 1978-1979 lors de la création d’un port de plaisance à Fos-sur-Mer, à l’est de la pointe Saint- Gervais, plusieurs dizaines de plombs portant les lettres CΛE/S ont été découverts. 78 ont été donnés au musée d’Istres et ont fait l’objet d’une étude par sa conservatrice, Martine Sciallano, s’appuyant sur les travaux de M. Rostovtzeff. Elle retient qu’il s’agit de jetons frappés sous Jules César vers 49 av. J.C. En 1984, une trentaine de plombs similaires ont été repérés par Daniel Schaad dans une vente à Strasbourg. Dans une étude parue en 2011, Roland Raynaud a présenté 18 exemplaires donc certains proviennent peut- être de cette vente. Le total à ce jour est ainsi de l’ordre de 110 à 130 exemplaires, tous les exemplaires recensés ayant été frappés par le même coin. Il n’y a aucune autre provenance connue que la trouvaille de Fos. Nous présentons un plomb similaire entré récemment dans une collection niçoise.
Fig. 1 – Le plomb étudié : 8,59 g, 18 mm – Coll. privée
Description. On observe au droit les lettres CΛE/S (CAES), la lettre S en dessous de la lettre Λ, aux pattes élargies, légèrement décalée vers la droite. Les extrémités des lettres C et E sont formées de triangles. Le revers est lisse. Ce plomb est exactement similaire à ceux décrits par les auteurs cités. D’un diamètre de 18 mm, le spécimen étudié accuse un poids de 8,59 g pour une épaisseur de 3 mm. Parmi les 78 spécimens inventoriés par Martine Sciallano, seuls 4 exemplaires présentaient un poids supérieur, le plus lourd étant de 9,5 g et le plus léger de 3,27 g. Comme sur les autres exemplaires, on observe une tranche biseautée avec un ergot et un creux en opposition qui révèlent que ces jetons n’ont pas été coulés mais découpés dans une feuille de plomb à l’aide d’une gouge en demi-lune. Le plomb n’étant pas un métal précieux, le poids n’a pas été ajusté et les écarts pondéraux vont du simple
au triple, les feuilles utilisées étant d’une épaisseur très variable (1,5 à 4,5 mm d’après l’inventaire de M. Sciallano). L’analyse du spécimen au spectromètre a révélé une proportion de 97,6 % de plomb pour 2,4% d’étain.
Fig. 2 – Vues montrant la tranche biseautée et les traces de découpe du flan (à g.)
Attribution. L’attribution de ces tessères à Jules César a été effectuée en considération de ses monnaies sur lesquelles figure son nom CAESAR ou l’abréviation CAES (cf. Sear, Roman coins, Millenium éd. n° 1396 et 1397). Le dictateur déploya une activité militaire importante à Massalia, dont il fit le siège en 49 av. J.-C. et donc non loin du canal des Fossae Marianae construit en 103-102 av. J.-C. par Marius qui menait à la cité d’Arelate. C’était la grande voie de pénétration vers le nord par le Rhône.
Provenance et usage. D’après Martine Sciallano, ces plombs auraient pu se trouver dans un bâtiment du port antique, ultérieurement submergé. Mais en l’absence de signes d’usure et de leur regroupement, ils pourraient avoir appartenu à la cargaison d’un navire qui aurait sombré devant Fos. Dans cette hypothèse, leur fabrication ne serait pas locale. D’après certains auteurs, il pourrait s’agir de jetons de compte ou calculi (Van Berchem). Pour d’autres, il s’agirait de méreaux permettant d’obtenir une prestation. L’hypothèse de signes de reconnaissance a été également avancée (Rostovtzeff, Virlouvet). Des plombs voisins ayant été retrouvés sur le site de ports antiques (caserne des vigiles d’Ostie [Virlouvet, p. 121], Arles) ou dans des cours d’eau (Tibre, Rhône, Saône, Garigliano), il est probable qu’ils soient en rapport avec une activité fluviale ou portuaire.
Sources : – Martine SCIALLANO, Une collection de plombs romains trouvés à Fos- sur-Mer, rev. Archéonautica n° 7, 1987, pp. 193-201 et la bibliographie citée.
– Roland REYNAUD, Bulletin du Cercle numismatique liégeois, n° 396, mars 2011.
– Catherine VIRLOUVET, Plombs monétiformes et tessères frumentaires, Revue numismatique 1988, Tome XXX, pp. 120-148.
– Henri D’HERMY, Une tessère monétiforme à caractère militaire, 49 av. J.-C., Annales 2018 du Cercle numismatique de Nice, n° 38, octobre 2019, pp. 29-37.
Anthony CAMOS
Expert Numismate agréé C.E.C.O.A
